Dans son Grand Dictionnaire géographique et critique, Antoine-Augustin Bruzen de La Martinière (1683-1746) se présente comme le “géographe de Sa Majesté catholique Philippe V, roi des Espagnes et des Indes”.
Le texte qui suit est extrait du tome 8 de cet ouvrage (1737).
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Auteur inconnu - 1885 |
“Au devant de chacune de ces pyramides, on voit encore quelques vestiges de certains bâtiments carrés, qui semblent avoir été autant de temples, et à la fin du prétendu temple de la seconde pyramide, il y a un trou par lequel quelques-uns croient qu’on descendait du temple pour entrer dans l’Idole, qui est éloignée de quelques pas de ce trou.
Les Arabes appellent cette Idole Abulhon, qu’on écrit Abul-Houl, c’est-à-dire Père Colonne. Pline le nommait Sphinx, et dit qu’elle servit de tombeau au roi Amasis.
Il n’y a pas de difficulté à croire que ce Sphinx ait pu être un tombeau ; mais que ç’ait été celui d’Amasis, on n’en trouve aucune preuve assurée. On juge qu’il a servi de sépulcre, parce que premièrement il est dans un lieu qui était anciennement un cimetière, et auprès des pyramides, et des grottes qui étaient autre chose que des tombeaux. En second lieu, on le juge aussi de la forme. Ce Sphinx a par derrière une cave sous terre, d’une largeur proportionnée à la hauteur de la tête, et qui n’a pu servir qu’à y mettre le corps de quelque personne morte. D’autres disent que ce fut un roi d’Egypte qui fit tailler cette figure en mémoire d’une certaine Rhodope corinthienne qu’il aimait fort.
On ajoute que ce Sphinx rendait réponse de ce qu’on lui demandait, et qu’un prêtre entrait dans cette Idole par le puits de la grande pyramide. Mais pour montrer que cette opinion n’a aucun fondement, il suffit e dire comment elle fut faite.
C’est un buste taillé sur le lieu même dans le vif du roc dont il n’a jamais été séparé, quoiqu’il semble être de cinq pierres ajustées les unes sur les autres ; mais quand on y regarde attentivement, on trouve que ces espèces de jointures ne sont que des veines du roc.
Ce buste présente une tête de femme avec son cou et son sein, d’une prodigieuse hauteur ; car il a 26 pieds de haut. Il a 16 pieds depuis son oreille jusqu’à son menton, et cependant, toutes les proportions y sont fort bien observées. Or quelle apparence y a-t-il qu’un homme tous les jours ait pris la peine de descendre dans ce puits au hasard de se rompre le col, et quand il aurait été au fond du puits, comment aurait-il pu parvenir jusqu’au Sphinx, où il n’y a point de passage, comme l’ont remarqué ceux qui y sont entrés ? Il y aurait plus de vraisemblance à dire qu’on y entrait par le trou qui est par derrière ; mais cela supposé, comment serait sortie la voix de ce prétendu Oracle, puisqu’il n’y a point de trou à la bouche ni au nez de la figure, ni à ses yeux, ni à ses oreilles ? On dira peut-être que cette voix sortait par le haut de la tête où il y a un trou ; mais ceux qui y sont montés ont trouvé que ce trou descend en s’étrécissant jusqu’au sein de la Figure, où il finit. De là Thévenot conclut que s’il entrait quelqu’un dans ce trou, c’était de nuit. Du reste, ce trou est aujourd’hui plein de sable. Le cou est fort rongé ; de façon qu’il ne pourra jamais soutenir longtemps la pesanteur de la tête.”
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