jeudi 6 juin 2013

“L'objet qui a le plus excité mon admiration : la justesse des proportions dans la tête du Sphinx” ('Abd al-Latîf - XIIe-XIIIe s.)

Le médecin, historien et égyptologue Muwaffaq al-Dîn Abu Muhammad Ibn Yûsuf 'Abd al-Latîf (1162-1231) est né et mort à Bagdad. D'où son surnom d'al-Baghdâdî.
Son ouvrage Relation de l'Égypte comporte des observations détaillées de monuments égyptiens de l'Antiquité, notamment le Sphinx de Guizeh qui est décrit en ces termes:

Illustration extraite de la "Description de l'Egypte"

“A un peu plus de la portée d'une flèche de ces pyramides, on voit la figure colossale d'une tête et d'un cou qui sortent de terre. On nomme cette figure Abau'lhaul ; et l'on dit que le corps auquel cette tête appartient est enseveli sous la terre. En jugeant des dimensions du corps par celles de la tête, il doit avoir soixante-dix coudées et plus de longueur.
On voit sur la figure une teinte rougeâtre et un vernis rouge, qui a tout l'éclat de la fraîcheur.
Cette figure est très belle, et sa bouche porte l'empreinte des grâces et de la beauté. On dirait qu'elle sourit gracieusement.
Un homme d'esprit m'ayant demandé quel était, de tout ce que j'avais vu en Égypte, l'objet qui avait le plus excité mon admiration, je lui dis que c'était la justesse des proportions dans la tête du Sphinx. En effet, on remarque, entre les différentes parties de cette tête, le nez, par exemple, les yeux et les oreilles, les mêmes proportions qu'observe la nature dans ses ouvrages : c'est ainsi que le nez d'un enfant convient à sa taille et est en proportion avec le reste de son corps, de telle manière que, s'il appartenait au visage d'un homme fait, ce serait une difformité ; de même le nez d'un homme fait, transporté sur le visage d'un enfant, le défigurerait. Il en est ainsi de tous les autres membres : il n'en est aucun qui ne doive avoir une certaine forme et certaines dimensions pour être en proportion avec telle ou telle figure ; et si ces proportions ne sont pas observées, la figure en est gâtée. Or, il est bien étonnant que, dans une figure aussi colossale, le sculpteur ait su conserver la juste proportion de toutes les parties, tandis que la nature ne présentait aucun modèle d'un semblable colosse, ni rien qui pût lui être comparé.”

(Traduction de l’arabe par Silvestre de Sacy)

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