mercredi 12 juin 2013

“On peut supposer sans exagération que le Sphinx est à peu près contemporain des Pyramides elles-mêmes” (Jules Barthélémy-Saint-Hilaire - XIXe s.)

Après avoir, dans ses Lettres sur l'Égypte (1855), exprimé son admiration pour les pyramides et leurs bâtisseurs, le philosophe, journaliste et homme d'État français Jules Barthélémy-Saint-Hilaire (1805-1895) se contente de quelques lignes pour décrire le Sphinx qu’il considère comme une “idole de divinité”, tout en précisant qu’il se borne à “quelques réflexions très générales”.


“A cinq ou six cents pas de la grande pyramide, au sud et dans la direction de Memphis, se trouve le Sphinx, faisant face au Nil. Il est mutilé en partie. Mais du temps de Pline, qui le mesura, il n'avait pas moins de 60 pieds de haut ; et dans sa position accroupie, il a plus de 140 pieds de long. Il est en grande partie taillé dans le roc, qui règne en cet endroit, comme il règne sous les Pyramides et sous la tombe de Campbell. Les parties supérieures sont de pierres rapportées. La tête à elle seule a bien 27 pieds de haut. Il est très difficile de l'escalader ; et un de nos amis, qui voulut essayer cette scabreuse entreprise avec l'aide d'un Arabe, dut bientôt y renoncer, sous peine de s'y rompre les os. Nous nous contentâmes de l'admirer d'en bas.
Jusqu'en 1815, le Sphinx était resté à moitié enfoui dans le sable, qui s'était accumulé depuis des siècles autour de lui, et il n'en sortait guère qu'une quarantaine de pieds. Ce furent un Anglais, M. Salt, et un Italien, M. Caviglia, qui firent déblayer le monument; et ils furent payés de leurs peines par la découverte d'un temple qui était sous le colosse, et où l'on descendait par un escalier placé entre ses jambes de devant.
Le sable a depuis lors comblé de nouveau cette ouverture. Mais des recherches plus récentes de notre compatriote M. Mariette ont amené d'autres découvertes, entre autres celles d'une statue colossale d'Osiris, composée des 28 morceaux emblématiques entre lesquels fut partagé, suivant la fable égyptienne, le corps du dieu. Il est probable que des fouilles un peu persévérantes feraient trouver de nouveaux trésors. Mais ces fouilles sont frès difficiles en ce lieu et très coûteuses. Quelles difficultés bien autrement grandes, quelles dépenses bien autrement considérables n'a pas dû coûter le travail original !
Il paraît certain que le Sphinx était une idole, et, d'après les ruines qu'on a trouvées aux environs et surtout devant lui, tout porte à croire qu'on lui offrait des sacrifices.
D'après les inscriptions hiéroglyphiques, ce monument doit remonter au moins à Touthmosis IV, c'est-à-dire à 1,450 ans avant l’ère chrétienne ; et, comme rien n'indique que ce soit ce Pharaon qui l'ait construit, si d'ailleurs sa piété s'est signalée par les offrandes splendides qu'il y a faites, on peut supposer sans exagération que le Sphinx est à peu près contemporain des Pyramides elles-mêmes. Il est d'ailleurs, par ses dimensions, en harmonie avec elles ; et quand les rois ont des tombeaux de cette grandeur, les dieux peuvent avoir des représentations aussi colossales.
Ce qui paraît surtout remarquable aux yeux des égyptologues, c'est que le Sphinx soit une idole de divinité. D'ordinaire, le Sphinx n'est qu'un emblème de la puissance royale ; il est fait pour rappeler le souvenir d'un homme et non celui d'un dieu.
Je ne veux, du reste, entrer dans aucun détail sur cette question ni sur tant d'autres ; et je me borne, pour me résumer sur les Pyramides, à quelques réflexions très générales.”

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