vendredi 24 mai 2013

“Il est vraisemblable que l’on entrait dans le Sphinx par la Grande Pyramide, toute proche” (Prosper Alpin - XVIe s.)

Prospero Alpini
En bon botaniste qu’il était, le médecin italien Prosper Alpin (1553-1617) était plus porté, lorsqu’il séjourna en Égypte de 1581 à1584, vers l’observation des végétaux que des vieilles pierres.
Cela ne l’empêcha toutefois pas d’avoir son idée sur la configuration de la Grande Pyramide, qu’il ne manqua pas de visiter en détail, et du Sphinx, ces deux monuments étant, selon lui, reliés par une galerie dont la fonction, à la seule lecture de l’auteur, reste très floue.

“Après avoir parcouru avec nous la partie supérieure de la (grande) pyramide et l'avoir soigneusement examinée, il (le P. Bigi, qui l’accompagnait dans sa visie) nous dit qu'il lui venait dans l'idée que cet édifice devrait être aussi profond en fondations qu'élevé au-dessus de la terre, et qu'en un mot il soupçonnait que ce puits intérieur, dont tout le monde connaît l'ouverture à une certaine distance après l'entrée dans la pyramide, (...) ne devait point avoir été destiné à recevoir de l'eau, mais bien plutôt à servir d'entrée à des conduits vers les parties inférieures et souterraines du monument. Afin de vérifier une chose aussi intéressante, on entreprit, à sa persuasion, et pour cela on n'épargna aucune dépense ; on entreprit, dis-je, de faire déblayer par des paysans la terre et les pierres qui remplissaient la capacité du puits ; ensuite, au moyen d'un câble, nous descendîmes, lui, plusieurs autres, et moi-même : dans l'exécution de notre dessein, nous eûmes le bonheur de rencontrer une commodité inespérée. Tout à l'entour de cette cavité cylindrique, les constructeurs ont eu l'attention de laisser des bouts de pierre en saillie ; ils nous servaient d'appui, et rendaient notre descente aussi commode que sûre. Descendus, par ces moyens, à une profondeur que nous évaluâmes à soixante-dix pas géométriques, nous nous trouvâmes à pieds sur le fond du puits : là est un espace libre et dégagé, où viennent se réunir deux routes ou galeries, lesquelles se trouvent pratiquées et équarries dans le goût de celles que nous avions parcourues dans la partie supérieure de la pyramide. La boussole nous apprit que l'une de ces routes devait conduire vers le grand sphinx de pierre, et l'autre vers la seconde pyramide, monument auquel on ne connaît pas jusqu'à présent d'entrée extérieure semblable par sa partie supérieure à celle de la grande pyramide.
Cliché André Quinsac - fin XIXe s.

Nous étions déterminés à suivre chacune de ces deux galeries en leur entier ; mais, à quelque distance, nous les trouvâmes embarrassées par des pierres détachées de la voûte : la crainte d'en faire ébouler d'autres en déblayant celles-là, et de nous enterrer ainsi nous-mêmes, réprima notre curiosité, et mit fin à notre expédition souterraine.
Le résultat de notre examen fut donc que le puits de la grande pyramide n'a point été destiné par les architectes à fournir de l'eau à la pyramide, quoi qu'en ait pu dire et penser Bellon, mais bien que ce puits a été ménagé pour servir d'ouverture commune à un double chemin : l'un vers l'intérieur du sphinx colossal, qui se voit sur la terre non loin de la grande pyramide ; l'autre vers la seconde pyramide, qui est un tombeau destiné soit à un second roi, soit à la reine, femme du premier, comme aiment à l'imaginer et à le répéter beaucoup de gens du pays ; et c'est cet autre monument que j'ai dit être privé de toute entrée extérieure.
Le puits où nous descendîmes est si bien celui qui se trouve mentionné dans Pline, que la profondeur de 86 coudées qu'il lui assigne se rapporte à la mesure que nous avons estimée et donnée plus haut : ce fut même la lecture de Pline, qui, tourmentant le P. Bigi, et lui faisant désirer de vérifier par lui-même toute cette descente, donna lieu à notre découverte.” (Rerum œgyptiacarum, lib. I, cap. VI)
(cité par Norden, dans son Voyage d'Égypte et de Nubie, Tome 3)

“Nous en venons maintenant à ce grand Colosse appelé Sphinx, proche de la première pyramide et fait d’un énorme monolithe. Cet énorme roc est de marbre. Il présente un immense et très large visage, regardant vers Le Caire et sculpté dans toutes ses parties avec une très grande habileté. En effet, son menton, sa bouche, son nez, ses yeux, son front et ses oreilles apparaissent taillés avec une profonde connaissance de la sculpture d’art. Dans la pierre n’apparaît aucune ouverture par où on puisse entrer ; mais il est vraisemblable, comme nous l’avons dit, que l’on entrait dans le Colosse par la grande Pyramide, toute proche. Et puisque le Sphinx donnait autrefois des réponses, il est probable qu’il contenait, à l’intérieur, des parties vides dans lesquelles les prêtres enraient pour pouvoir répondre à sa place.” (Histoire naturelle de l’Egypte, L.I, chap. VI)

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