samedi 22 juin 2013

Le “caractère à part” du Sphinx de Guizeh, selon Eugène Chautard (XIXe-XXe s.)

Extraits de l’ouvrage Au Pays des Pyramides (1906), du R.P. Eugène Chautard (1851-1915), des Missions africaines de Lyon, ancien missionnaire en Égypte et au Dahomey :

Illustration de 1885 - auteur inconnu

“L'Égypte n'est pas seulement le pays des Pyramides, c'est encore celui des Sphinx. Si on y voit une centaine de pyramides de toutes dimensions, on y compte encore un plus grand nombre de sphinx, dont beaucoup malheureusement ont été mutilés.
Allons visiter le plus célèbre de tous, le sphinx de Guizeh ; il est en plein désert, à cinq ou six cents mètres de la grande Pyramide. On sait que le sphinx a un corps de lion terminé par un buste et une tête de femme. Plus d'un Oedipe a essayé de deviner la signification des sphinx égyptiens. Le concours est encore ouvert, à moins que vous ne vouliez y voir le symbole de l'humanité : force et courage chez l'homme, représenté par le lion ; grâce et adresse chez la femme.
On comprendrait alors que les souverains fastueux de l'antique Égypte aient disposé comme symbole de la puissance, d'innombrables sphinx en longues avenues qui proclament d'avance et l'importance des monuments et la gloire de leurs fondateurs. Dans cette hypothèse, l'avenue des béliers de Karnak désignerait probablement les valeureux soldats qui furent l'instrument des conquêtes du prince, son créateur.
Le sphinx de Guizeh provient, je crois, d'une autre conception ; son isolement et sa très haute antiquité lui donnent un caractère à part. D'après une inscription hiéroglyphique, il serait bien antérieur aux Pyramides puisqu'il aurait été réparé par le roi Chéops, fondateur de la première Pyramide. La même inscription nous dépeint le sphinx comme la représentation du dieu Horn-em-Khou (Horus dans le soleil brillant).
Donnons-en une description sommaire. Le sphinx de Guizeh est un rocher naturel que l'on a façonné en forme de lion à tête de femme et accroupi. Ses dimensions sont vraiment colossales : la longueur, depuis les pattes jusqu'à la naissance de la queue, est de cinquante-sept mètres ; la tête seule mesure neuf mètres depuis le menton jusqu'au sommet du front ; malheureusement, le nez est mutilé et le menton ébréché.
Malgré ces mutilations, le colosse impressionne encore vivement. Sa figure exprime un calme infini, une grandeur majestueuse, et son regard, fixé sur l'Orient, semble vouloir interroger l'avenir, cet autre sphinx impénétrable.
Les sables du désert de Libye menacent toujours d'enterrer le Sphinx, comme ils ont englouti tant d'autres monuments, parmi lesquels un temple de granit, découvert par Mariette-bey, à proximité du Sphinx lui-même.”

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire